Six questions adressées à Marc-André Franche (2008) Directeur du Programme des Nations Unies pour le développement au Pakistan
Quel rôle remplissez-vous aux Nations Unies ?
En tant que directeur du Programme des Nations Unies pour le développement au Pakistan, je supervise l’élaboration et l’implantation de notre programme. Ce dernier vise l’adaptation au changement climatique et promeut une gouvernance démocratique basée surtout sur une meilleure administration électorale, la primauté du droit et la gouvernance locale. Nous nous penchons aussi sur la prévention de crise et le rétablissement, et avons mis sur pied un important programme communautaire de résilience, de prévention de la violence et de réduction des risques de catastrophe. Je travaille particulièrement au développement du partenariat, aux communications, à la diffusion ainsi qu’au positionnement stratégique, et j’aide mes collègues à mettre le programme en œuvre. Une équipe de 350 personnes, composée surtout de Pakistanais et comptant 20 membres issus de divers pays, est affectée à ce programme quinquennal de 300 millions de dollars.
Quel a été votre parcours vers ce rôle international ?
J’ai d’abord étudié à Montréal, en Suède et au Royaume-Uni, puis j’ai assumé une fonction de bénévole financé par l’ACDI en Bolivie pour le PNUD. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser aux activités des Nations Unies et que j’ai rencontré d’excellents collègues. Ensuite, je me suis inscrit au Programme Jeunes administrateurs de l’ONU, aussi parrainé par l’ACDI, et j’ai fait de la recherche-action et élaboré des programmes de prévention de conflit en Colombie. Depuis, j’ai eu de formidables mentors qui m’ont appuyé, donné des responsabilités croissantes et permis d’élargir encore mes horizons. Plus tard à New York, je me suis consacré à l’appui aux pays en crise d’Amérique latine et des Caraïbes, tout en dirigeant des programmes régionaux de prévention de conflit. Puis j’ai décroché un poste de cadre au PNUD en Haïti et dirigé le programme avant et après le séisme de 2010. Cette première expérience de direction a représenté un défi de taille, mais m’a aussi procuré des instruments et une maturité qui me sont aujourd’hui utiles.
Quelles qualités de leader faut-il pour diriger un important programme des Nations Unies dans un pays souverain ?
Je crois qu’il faut surtout être à l’écoute, apprendre et comprendre le contexte où l’on vit et travaille. Ce qui signifie beaucoup de temps passé à lire, à poser des questions et à écouter les nombreux collègues et partenaires dans ce pays. Il est bon de connaître l’histoire locale et les gens qui la font, mais il faut d’abord comprendre comment les gens s’organisent, comment se forment les coalitions, quels sont les obstacles au changement et toutes les petites idiosyncrasies culturelles qui vous permettront de découvrir les rouages d’une société pour pouvoir ensuite exercer sur cette dernière une influence positive. Savoir reconnaître les intérêts et les occasions puis réunir vos collègues pour qu’ils contribuent à un projet où ils se dépasseront est une autre qualité utile. Même lorsqu’on favorise la réalisation d’une vision du changement avec une équipe et des collègues, il faut savoir rester réaliste quant au rythme et à l’étendue du changement lui-même. Les sociétés et les gouvernements sont des entités complexes qui ne changent pas en un jour.
Votre carrière se déroule-t-elle comme vous l’aviez prévu ?
Je me dis parfois que j’aurais dû être un architecte pour pouvoir toucher ce que j’aurais construit. Étant donné mes antécédents familiaux, mes deux parents travaillaient dans le domaine du développement international, j’ai toujours voulu consacrer ma vie au développement international et être un agent de changement dans les vies d’un plus grand nombre de gens possible. Je ne m’attendais pas vraiment à entrer aux Nations Unies. Cette institution est extraordinaire, mais elle a plusieurs défauts et forces, comme toute autre institution. Je ne voudrais pas d’une autre carrière, mais je ne m’attendais pas à affronter tant de complexité et de difficultés.
Avez-vous le temps de rester en contact avec vos amis au Canada, et vos collègues de la Conférence ?
Je reviens au Canada au moins une fois par an et garde le contact avec ma famille, qui souhaiterait probablement me voir plus souvent. Je suis resté en relation assez constante avec certains de mes collègues de la Conférence, et nous leur envoyons à l’occasion un courriel multidestinataire. Nous nous tenons au courant des faits et gestes de la plupart d’entre eux et tentons encore de trouver un moyen de tous nous retrouver.
L’expérience que vous avez vécue avec la Conférence vous a-t-elle apporté des connaissances ou des points de vue en matière de leadership que vous n’auriez pas trouvés ailleurs ?
Elle m’a surtout permis de découvrir de manière plus directe et concrète la diversité du Canada et la multiplicité des expériences communautaires qu’offre ce pays. Elle m’a aussi donné l’occasion d’adapter à un contexte canadien certaines des compétences que j’avais acquises à l’étranger, et de connaître d’autres modes de leadership et d’autres habiletés pour la communication. La Conférence m’a fourni des outils qui peuvent encore m’être utiles.
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